Enseigner l’innovation en école d’ingénieurs

avril 2016
Apprendre et Innover
Communications avec actes dans un congrès national
Auteurs : Stéphanie Buisine (LINEACT), Bertrand Moulin (LINEACT), Bernard Blandin (LINEACT)
Conférence : Eduquer et former au monde de demain, 5 avril 2016

Il existe deux principaux types de processus d'innovation. L’un, positiviste, enchaîne de façon séquentielle les phases de pose du problème, de résolution créative du problème et d’évaluation des solutions [1]. Cette approche de l’innovation est implémentée notamment dans les grands groupes et l'industrie traditionnelle [2]. Pour être fiable, elle demande un fort investissement dans les phases amont du processus. Le second repose sur un principe constructiviste, selon lequel le problème est construit de façon itérative en même temps que la solution [3]. Cette approche se retrouve dans de nombreux mouvements de conception récents (génie logiciel [4], développement agile [5], design thinking [6], lean startup [7]...). Elle semble mieux adaptée lorsque les ressources (en temps, en budget, en compétences) sont limitées, mais le risque d'échec est aussi plus élevé. L’enseignement de l’innovation en école d’ingénieurs suit traditionnellement le modèle positiviste issu des grands groupes, alors qu’il tend à être remis en question de multiples manières. Tout d’abord, les observatoires de l’innovation montrent les limites de la stratégie des grands groupes français qui peinent à maintenir leur compétitivité [8, 9]. A l’inverse, l’écosystème de startups françaises (French Tech) est de plus en plus reconnu à l’échelle mondiale [10], suggérant que l’innovation française est aujourd’hui plus performante du côté des startups que des grands groupes. Il semblerait que l’approche constructiviste itérative des startups favorise l’attention aux signaux faibles présents dans l’environnement, la capacité à saisir les opportunités offertes, et donc la sérendipité [11]. D’un point de vue pédagogique, ce modèle semble aussi plus approprié pour monter en compétence progressivement sur les méthodes d’innovation, gagner en créativité et en confiance. C’est donc ce modèle qui est proposé dans les formations à l’innovation destinées à nos élèves ingénieurs. Nous présentons deux expériences pédagogiques : l’une menée auprès de 27 élèves ingénieurs dans le cadre de projets d’innovation individuels de 10 séances, l’autre auprès de 30 élèves ingénieurs dans le cadre de projets de groupes de 5 semaines. La comparaison des résultats fait apparaître un ensemble de facteurs de réussite pour la formation à l’innovation, et notamment : l’approche constructiviste centrée sur les besoins utilisateurs plutôt que sur les contraintes techniques, la connaissance et l’appropriation des mécanismes de créativité, le mentorat, le travail en groupe et l’analyse des usages. Pour finir, nous discutons des limites de ces formations et des méthodes qui restent à être inventées ou diffusées auprès des élèves ingénieurs pour favoriser l’innovation de demain.